En pratique, légaliser le cannabis, c’est un peu plus compliqué que de dire « à partir de maintenant, faites ce que vous voulez ». Un nouveau cadre réglementaire doit être créé pour définir qui peut ou ne peut pas consommer, qui produit et comment, qui vend et dans quelles conditions… comment va se mettre en place le contrôle de tout cela, et jusqu’aux sanctions pénales en cas d’infractions à ces nouvelles règles.
La production au grand jour du cannabis en fait un produit de consommation comme les autres dont on doit surveiller la qualité et connaître la provenance : c’est la traçabilité, qui consiste à se donner les moyens de suivre avec précision toutes les étapes de la vie d’un produit. A chacune de ces étapes des traces de ce qui est réalisé sont recueillies et stockées dans des bases de données.
Dans un tel système de traçage, plus on dispose d’informations sur les différentes phases, plus l’exploitation de ces données est riche d’enseignements en les interrogeant pour identifier des changements ou réaliser des analyses statistiques… On peut ainsi détecter des anomalies, faire des diagnostics, optimiser les ressources, rappeler des produits défectueux, rassembler des preuves lorsqu’il y a des litiges…
Pour le cannabis, chaque plant est équipé d’une étiquette – code-barres, puce RFID, QR-code… – qui l’identifiera de manière unique tout au long de son cycle de vie : les technologies de marquages et les logiciels de chaîne logistique utilisés sont calqués sur ceux de domaines sensibles comme celui des produits pharmaceutiques car la sécurité et la fiabilité doivent être assurées plus encore que pour des produits ordinaires.
La base de données s’enrichit des données fournies par chaque intervenant dans la chaîne de production, d’acheminement, de mise sur le marché et… de financement. Encore faut-il que tous aient des systèmes d’informations compatibles. En Californie qui autorise la consommation de cannabis depuis 2016, l’État a imposé un logiciel unique que tous les intervenants sont tenus d’utiliser. Le Canada, qui vient de légaliser, a prévu la mise en place d’un traçage numérique qui n’est pas encore opérationnel.
Mais le traçage a un coût et les producteurs californiens s’en plaignent, considérant qu’ils pourraient subir la concurrence du marché noir qui, bien sûr, ne s’embarrasse pas de traçabilité, cherchant au contraire à laisser le moins de traces possible. Que l’industrie du cannabis devienne un modèle de traçabilité numérique n’en est pas moins étonnant.
Source : La Recherche n° 542, décembre 2018.